Les coups de cœur d’Odile Nicoloso

ARENE de Négard DJAVADI
Editions Liane Lévi 2020 (en poche actuellement) Negar Djavadi est scénariste, réalisatrice et écrivain. Née au sein d’une famille d’intellectuels iraniens opposants au régime du shah puis de Khomeiny, elle fuit l’Iran à l’âge de 11 ans, suit des études de cinéma à Bruxelles, discipline qu’elle enseigne ensuite à l’Université de Paris 8.
Arène est son deuxième roman, cette arène bouillonnante c’est Paris ! quartier Est ! Nous sommes dans Paris intramuros entre le Canal Saint Martin et La Villette.
Benjamin Crossman a 35 ans, il est devenu un homme d’affaires important qui a réussi dans une plateforme américaine de streaming. Lorsqu’il vient voir sa mère dans le 10ème arrondissement de Paris, territoire de son enfance qu’il n’habite plus depuis longtemps, il se fait voler son téléphone portable. Une poursuite s’engage avec un gamin qu’il soupçonne du vol, mais une vidéo prise à la dérobée par une lycéenne fait le tour des réseaux sociaux et enclenche une spirale de violence dont personne ne sortira indemne. Alors que chaque individu tente de s’en sortir, les émotions seront exacerbées par des provocateurs, les réseaux sociaux, les journalistes.
Le mérite de la fiction, de la littérature, c’est de nous faire accéder à un milieu, une histoire, des personnes que nous n’aurions peut-être pas l’occasion de rencontrer dans notre quotidien. C’est le cas dans ce roman où l’auteur nous parle de l’Est parisien, lieu où vit un florilège de communautés différentes, immigrés qui habitent ces quartiers, depuis plusieurs générations parfois, leur difficulté à changer de milieu social, sans espoir d’un futur meilleur.
On découvre une société française fracturée, violente Arène est un roman contemporain, urbain et totalement de notre époque.
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HERITAGE de Miguel Bonnefoy - Prix des libraires 2021 Editions Payot Rivages Miguel Bonnefoy est un jeune écrivain franco chilien, fils d’un écrivain chilien et d’une mère diplomate vénézuélienne. Né à Paris il a fait ses études dans les lycées français.
Dans ce roman Miguel Bonnefoy relate en partie son histoire familiale, une épopée qui mélange histoire et imaginaire : au XIXe siècle un vigneron du Jura voit tous ses cépages dévastés par le phylloxéra. Il réussit cependant à sauver un pied de vigne et à s’embarquer pour la Californie, réputée pour son climat propice à la culture du raisin. Souffrant de la typhoïde il est débarqué du bateau au Chili, à Valparaiso, avant de parvenir à destination. Il y fonde la dynastie des Lonsonier : trois générations devenues chiliennes qui vont garder un attachement viscéral à la France, mère patrie fantasmée, au point de participer aux deux guerres mondiales.
Le premier fils, Lazare, s’engage et combat en France avec ses deux frères lors de la première guerre mondiale. Sa fille Margot, rêve d’aviation, part à Londres pour participer à la seconde guerre. A son retour, son fils, partisan du président Salvador Allende, est emprisonné dans les geôles du général Pinochet, comme l’a vécu le père de l’auteur ! Un siècle, deux guerres et une révolution plus tard, son arrière-petit-fils
arrivera à Paris, chassé par la dictature.
Miguel Bonnefoy raconte à merveille l’histoire universelle de la migration, de l’exil, le dialogue qui naît entre deux cultures. À l’heure des crises migratoires, il rappelle avec pertinence que les Français aussi ont été des migrants.
Héritage est aussi une réflexion sur les origines, ce qui lie un homme ou une famille à un pays, à des traditions, le pied de vigne dans la pauvre valise du patriarche symbolisant cet héritage. L’écriture poétique, imprégnée de réalisme magique rappelle la littérature du continent sud-américain, passionnée et exubérante.
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LA BAIGNOIRE DE STALINE Renaud S. Lyautey Editions du SEUIL (2022), en poche. « La Baignoire de Staline » est un mélange de polar diplomatique teinté d’espionnage, le second et dernier roman de Renaud Salins, ambassadeur de France en Géorgie(2012-2016) ; l’auteur étant malheureusement décédé d’un cancer foudroyant à l’âge de 55 ans, quelques mois après avoir terminé ce livre. Avant de nous quitter, le diplomate français a su s’inspirer des trois années qu’il a passées en Géorgie, pour nous baigner dans les enjeux géopolitiques et les coulisses diplomatiques de ce pays voisin de la Russie.
L’auteur imagine une fiction habile : un jeune français est retrouvé mort dans des circonstances pour le moins étranges sur son lit, à l’hôtel Marriott de Tbilissi, capitale de la Géorgie, ex-république soviétique et terre natale de Joseph Staline lequel y possédait une datcha ainsi qu’une baignoire laquelle donne son titre à l’ouvrage.
L’inspecteur Shenguelia de la brigade criminelle de la capitale géorgienne se voit chargé de l’enquête, assisté du premier conseiller de l’ambassade de France, René Turpin. A eux de découvrir l’identité de la victime et les raisons de son assassinat. Les premières pistes suivies par le flic géorgien et le diplomate français permettent d’explorer plusieurs facettes du présent d’un pays où plane encore l’ombre du KGB.
L’affaire criminelle devient une affaire d’espionnage dont les origines remontent à la Guerre froide, au temps des agents doubles, des espions qui passent à l’ennemi et des transfuges. Il remet en lumière le rôle du célèbre espion britannique Kim Philby, agent double pour le compte de l’URSS. Il n’y a pas mieux qu’un polar pour visiter un pays, son histoire, le contexte sociétal, le milieu diplomatique, en passant par les spécialités culinaires du pays.
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Odile Nicoloso
Membre du Bureau de Bienvenue